L'olmécologie


L’art olmèque demeure inconnu jusqu’à la deuxième moitié du XIX° siècle. C’est ainsi que les spécialistes s’accordent pour fixer les débuts de l’olmécologie (c'est-à-dire le champ d'investigation qui concerne les Olmèques) en 1862 quand José María Melgar y Serrano découvre, de manière fortuite, la première tête colossale olmèque à Hueyapan au Veracruz (aujourd'hui Tres Zapotes). La nouvelle, bien que spectaculaire, a un retentissement réduit . Il faudra attendre 1925 pour que d’autres mégalithes olmèques soient mis au jour, lors du périple de Frans Blom et Olivier La Farge, respectivement archéologue et ethnographe. Cependant, les deux voyageurs qui explorent la côte du Golfe, puis le Sud-Est du Mexique, attribuent ces vestiges à la culture maya qui fascine les esprits de l’époque.
Parallèlement, on découvre, dans différentes localités du Mexique, des pièces de l’art mineur d’un style particulier et d’une haute qualité artistique. Dans l’esprit des chercheurs, collectionneurs et amateurs d’antiquités, naît la conscience d’une parenté formelle entre ces objets, de petite taille, et les sculptures monumentales de la côte du Golfe. À la fin des années 1920, l’archéologue Hermann Beyer applique le terme “olmeca” (mot nahuatl qui signifie “les gens du pays du caoutchouc”) à ce style artistique et Marshall Saville le rattache à une culture supposée golfienne.
L’appellation est officialisée en 1942, lors de la deuxième Mesa Redonda de Tuxtla Gutiérrez (Chiapas), où des spécialistes de renom, Alfonso Caso et Miguel Covarrubias en particulier, définissent les principaux traits culturels de ce qu’ils qualifient de “civilisation Mère” de la Méso-Amérique. La dévotion vouée à la figure du jaguar est mise en exergue. Grâce au travail pionnier de l’archéologue nord-américain Matthew Stirling, les sites clés de la côte du Golfe font l’objet de fouilles. En 1955, la datation absolue au radiocarbone, appliquée au site de La Venta (Tabasco), démontre l’ancienneté de la civilisation olmèque. Depuis ce temps, l’intérêt que l’on porte à ce peuple précurseur n’a fait que croître. De nombreux travaux scientifiques, aussi bien de terrain que de cabinet, ont eu le mérite de souligner l'apport des Olmèques aux cultures plus tardives et de resserrer les liens entre les différentes civilisations méso-américaines.

La Méso-Amérique olmèque


En accord avec C. Niederberger, la culture olmèque apparaît comme un ensemble multi-ethnique et pluri-linguistique qui s’étend de 1300 à 400 avant J.-C. sur une vaste partie de la Méso-Amérique. Sa présence est attestée à des niveaux d’occupation anciens sur la côte du Golfe, dans le Bassin de Mexico et le long de la côte Pacifique (États actuels du Guerrero, Oaxaca et Chiapas). Au-delà des frontières mexicaines, on recense des sites ou des vestiges matériels au Guatemala, Salvador, Honduras, Nicaragua et Costa Rica. San Lorenzo et La Venta constituent les deux sites majeurs de la côte du Golfe. Le premier, le plus ancien, situé sur les bords du fleuve Coatzacoalcos, est un plateau artificiel, localisé dans une position stratégique entre les basses et les hautes terres, au confluent des routes terrestres et fluviales. Il se caractérise par une production exceptionnelle d’art monumental comme les têtes colossales, les autels-trônes (monolithes en pierre de forme parallélépipédique) et les nombreuses rondes bosses. La plupart des auteurs s’accordent sur la contemporanéité de certaines sculptures de San Lorenzo et de La Venta. Ce dernier site, situé sur les bords du fleuve Tonala, s’élève sur une île au milieu d’une zone marécageuse. Une architecture imposante rythme l’espace urbain. Parmi les édifices cérémoniels se détache la pyramide conique en terre battue, haute d’une trentaine de mètres. La qualité de l’art mineur et monumental culmine respectivement avec les caches souterraines et les mosaïques. Ces dernières constituent une expression artistique unique en son genre et spécifique au site. D’autres foyers, comme Tres Zapotes, Laguna de los Cerros, Cerro de las Mesas, ont joué un rôle important. El Manatí présente un intérêt tout particulier puisqu'on y a découvert de nombreuses sculptures anthropomorphes en bois.

La région des Hautes Terres centrales est connue pour ses terres cuites, dont les célèbres baby-faces de Las Bocas, Puebla. De manière générale, remarquons d’une part, l’abondance et la variété du matériel archéologique parfois recueilli en contexte funéraire (comme à Tlatilco), de l’autre, une séquence d’occupation longue et ancienne (par exemple à Zohapilco-Tlapacoya). La renommée du Morelos est due en grande partie à Chalcatzingo et à ses pétroglyphes signalés, pour la première fois, dans les années 1930 par Eulalia Guzmán. Dans les années 1970, David Grove a dirigé des fouilles mettant en évidence une longue séquence d’occupation. L’art rupestre date de la phase d’apogée du site (nommée phase Cantera : entre 700 et 500 avant J.C.). Le Guerrero se caractérise par la variété de ses vestiges. Dans les années 1980, la découverte du site de Teopantecuanitlan (anciennement appelé Tlacozotitlan), situé à proximité de la ville de Copalillo, avait bouleversé le panorama de l’olmécologie. Ce site est comparable aux sites golfiens en raison de son envergure et de son architecture imposante. Retenons l’enceinte, de plan rectangulaire, composée de pierres taillées et rythmée par quatre monolithes à l’effigie du "were-jaguar" (créature hybride mi-humaine et mi féline) ainsi que le système de canalisation en pierre. À noter la présence d'un bain de vapeur (temazcal en langue nahuatl) et de la fausse voûte. Les peintures rupestres d’Oxtotitlan (Acatlan), de Juxtlahuaca (Colotlipa) et de Cacahuaziziqui (Copanatoyac) constituent une autre particularité du Guerrero. Dans la capitale de l’État, à Chilpancingo, les archéologues ont mis au jour des sépultures datées de l’horizon olmèque. Les vallées d’Oaxaca ont livré des oeuvres d’art (monumental et mobilier) et une céramique décorée de motifs codifiés de facture olmèque. Sur le littoral, les vestiges se raréfient. Cependant, et dans une vue d’ensemble, nous pouvons signaler les nombreux travaux de terrain, dont certains portent sur l’espace domestique (Cf. Winter, Flannery, Pyne, Marcus). Le Chiapas a fourni une profusion de pièces de l’art mineur et monumental (par exemple : bas-relief de Xoc, stèle de Padre Piedra, reliefs de Pijijiapan). Les complexes de Tiltepec et de Tzutzuculi (Tonala), les vestiges de Chiapa de Corzo sont autant de témoignages de l’occupation olmèque. La région du Soconusco, qui s’étend sur la côte Pacifique à cheval sur le Mexique et le Guatemala, est particulièrement riche au niveau archéologique. Le milieu naturel favorable et la fertilité des terres a contribué depuis des temps reculés à son essor. Parmi les sites clés, retenons La Blanca et Takalik Abaj. Ce dernier site occupe une place à part grâce à sa position géographique stratégique. Lieu d’échanges commerciaux et point de convergence d’influences culturelles diverses : côtières (Izapa, El Baul, Monte Alto, Bilbao...) et du Haut Plateau guatémaltèque (Kaminaljuyú). Les pot-bellies, statues en pierre à l'effigie d'un homme ventripotent, et les têtes colossales au visage à peine esquissé sont deux manifestations artistiques caractéristiques de cette zone. À l’intérieur des terres, et à l’exception de certaines sculptures de Kaminaljuyú, les indices de la présence olmèque sont plus ténus.

Notons la mise au jour de vestiges olmèques en zone maya, notamment dans les basses terres du Peten et dans le bassin de l’Usumacinta. Au Honduras, le site de Copan, connu principalement pour son apogée maya, offre une céramique et un art mineur en pierre de pur style olmèque. Au Salvador, à Chalchuapa (Las Victorias), un art monumental lapidaire, travaillé in situ, démontre une présence effective des Olmèques. Qui plus est, l'érection d’un monticule conique en terre, dont la morphologie rappelle la pyramide de La Venta, souligne les liens étroits qui unissent la côte Atlantique et le versant Pacifique. Le Salvador semble, par ailleurs, constituer la limite méridionale de la répartition des pot-bellies. Le Nicaragua n’a livré jusqu’à présent que de rares vestiges (généralement mal documentés). Au Costa Rica, on rencontre un nombre important d’artefacts. Parmi eux, mentionnons les baby-faces en terre cuite, les pièces en jade-jadèite et les célèbres sphères géantes en pierre.

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